A moins de quinze jours du deuxième tour des élections municipales à Tours, M. Christophe Bouchet, maire sortant et candidat de l’union des droites – de LREM à Sens Commun -, sort le grand jeu pour essayer de ne pas perdre son siège malgré le très mauvais score réalisé au premier tour. Et force est de constater que son équipe de campagne est plus que jamais aux abois, n’hésitant plus du tout à flirter avec les limites de l’éthique politique.
La série de courts articles qui s’annonce sera une sorte de suite à l’enquête publiée en février et actualisée sous forme de podcast en mai.
***
Le vote des seniors, enjeu central pour la droite
Depuis le début officieux de la campagne pour les municipales à l’automne dernier, les équipes de Christophe Bouchet se sont fait une spécialité du ciblage des différentes catégories considérées comme « l’électorat naturel » de la droite, à savoir : les commerçants, les personnes âgées et une partie de la bourgeoisie catholique de la ville. Le plan Étincelle, auquel un article a été consacré lundi dernier vise à séduire les premiers, l’intégration dans la liste de Cécile Chevillard, Edouard de Germay et Thibault Coulon – proches de Sens Commun et de la Manif pour Tous – est censée rassurer les derniers. Reste donc à analyser la stratégie à destination des électeurs à cheveux grisonnants.
Car stratégie, clairement il y a. Rappelons d’ailleurs que M. Christophe Bouchet est dans le civil consultant en stratégie marketing, domaine dont le principal objet est de cibler des catégories de clientèle pour mieux définir le discours à tenir pour leur vendre des produits ou des services. Transposé en politique, cela donne des choses que l’on peut assimiler à de l’électoralisme ou de la démagogie. Et la droite, depuis Nicolas Sarkozy, s’est fait une spécialité de ces modes opératoires catégoriels, comme on dit dans les écoles de commerce.
Ainsi, Christophe Bouchet et sa première adjointe LR Marion Nicolay-Cabanne ont depuis des mois multiplié visites et serrage de mains lors des thés dansants organisés par la mairie les dimanches, prenant des photos avec les anciens avant de repartir au pas de charge, une fois les clichés dûment affichés sur les réseaux sociaux.
Avec le lancement officiel de la campagne en janvier dernier, la stratégie est monté en intensité, et les Ehpads ont vu débarquer les équipes municipales pour des cérémonies de vœux plus ou moins festives mais toujours couvertes par la presse locale si prompte à accéder aux sollicitations de l’exécutif. Le tout a donné lieu à une foule de publications sur les réseaux sociaux, à la grande surprise de certaines familles des pensionnaires interrogées, peu habituées les années précédentes à tant d’attention et d’honneurs.
C’est après le premier tour des municipales en mars et son très mauvais score, que Christophe Bouchet va choisir d’accentuer cette stratégie catégorielle, partant du principe que la crise du Covid a provoqué une forte abstention des électeurs âgés, effrayés par le risque de se rendre dans les bureaux de vote et que cette abstention explique en grande partie l’échec. Dès lors, la communication du maire-candidat va mettre le paquet sur l’attention portée aux plus fragiles, notamment par la fourniture de masques gratuits livrés à domicile pour les plus de 80 ans ou à retirer dans certains points de mise à disposition, pour les 65-79 ans. Des opposants à Christophe Bouchet signalent que seules les personnes âgées inscrites sur les listes électorales ont reçu ces masques, ce à quoi la mairie répond qu’elle s’est basée sur les listings communaux et qu’il suffisait aux personnes non-livrées de se rendre dans un point de retrait. En tout cas, la communication quotidienne du maire-candidat sur la page Facebook officielle de la Mairie n’a eu de cesse de marteler la priorité donnée à « protéger nos anciens ». Étonnamment, il était moins question de protection d’autres populations fragilisées, notamment les quelques dizaines de SDF de la ville, contrôlés davantage qu’aidés par la Police Municipale.
A l’approche du scrutin, les bouchées doubles…
Avec le déconfinement et l’annonce du second tour le 28 juin – second tour qui a fait l’objet de vives critiques de Christophe Bouchet sur les médias nationaux, peut-être effrayé à l’idée d’une abstention forte des personnes âgées -, l’équipe de campagne va passer à la vitesse supérieure. Depuis deux semaines, tous les électeurs de plus de 65 ans de la ville font l’objet d’appels téléphoniques de la part des co-listiers de M. Bouchet, en jouant toujours de cette ambiguïté entre le maire et le candidat. Ainsi, parmi les multiple témoignages recueillis auprès de personnes ayant reçu le fameux coup de fil, on repère bien les éléments de langage mûrement choisis, l’utilisation du contexte anxiogène et l’inlassable répétition du nom du maire actuel qui souffre d’un manque de notoriété : on demande si la personne va bien, si elle a bien reçu les masques fournis par le maire, si elle est satisfaite de la gestion de crise par Christophe Bouchet, si elle suit la communication institutionnelle sur Facebook, si elle est au courant de la date du second tour, si elle connaît les candidats et si elle a des solutions pour se déplacer voter ou pour faire une procuration… Sur ce dernier point, il faut savoir que c’est la Police Nationale qui organise, en principe, les procurations dans les Ehpads, à la demande du directeur d’établissement, comme me l’a confirmé le commissariat de Tours.
Du reste, certaines personnes âgées que j’ai pu interroger ont qualifié ces coups de fil de pub à peine déguisée, plusieurs ont d’ailleurs trouvé cela particulièrement intrusif. A noter que ce type de pratique est légal, mais uniquement avec un achat des listings téléphoniques à la CNIL et sans jamais entretenir une possible confusion entre maire sortant et candidat. Il faudra donc attendre la vérification des comptes de campagne de M. Bouchet pour confirmer qu’aucun moyen de la mairie n’a été utilisé.
Enfin, l’équipe de M. Bouchet a perpétué sa tactique de visite des personnes âgées, alors même que les mesures de confinement draconiennes pèsent sur les Ehpads et autres structures d’accueil du troisième âge. Ainsi, la semaine dernière, et alors quedes cas de Covid avaient été signalés dans certains Ehpads de la ville et que les familles des pensionnaires doivent subir des conditions de visite très lourdes – réservation d’un créneau de 30 min plus d’une semaine à l’avance, entrevues séparées par une vitre avec les familles dans le jardin et le pensionnaire à l’intérieur du bâtiment, présence d’un membre du personnel qui vérifie la distanciation… – Christophe Bouchet et Marion Nicolay-Cabanne se sont rendus le 7 juin à la petite fête célébrant les 30 ans de l’Ehpad de la Vallée du Cher, une photo de la NR témoignant de la sympathique ambiance avec le personnel et les pensionnaires, à défaut du respect des gestes barrière. Certaines familles de pensionnaires se sont ainsi offusquées de la différence de traitement et du risque que l’on a fait prendre aux plus âgés. Cette contradiction a d’autant plus de mal à passer que les Ehpads de Tours et l’Agence régionale de Santé n’appliquent toujours pas les recommandations formulées par Olivier Véran le ministre de la Santé, qui prônait le retour aux visites en chambre, sans réservation préalable, dès le 7 juin.

La responsable de l’Ehpad de la Valle du Cher et la directrice des quatre Ehpads du Centre Communal d’Action Sociale, sollicitées plusieurs fois n’ont pas souhaité répondre, mais elles ont bien fait remonter le message à leur élue qui est leur cheffe statutaire… Marion Nicolay-Cabanne. Cette dernière réfute tout visée électoraliste, considère que l’utilisation lors des visites médiatisées du code couleur de la campagne de Christophe Bouchet – orange et bleu – n’est que fortuite et que ces visites sont à replacer dans « les obligations et responsabilités [du maire] alors que nous sommes encore en état d’urgence sanitaire ». On ne peut que saluer le sens de l’abnégation de la majorité municipale, prenant par exemple ici juste des nouvelles, avec le ban et l’arrière-ban des adjoints, dans la résidence senior Le Bocage, après avoir fêté les 100 ans d’une pensionnaire le 12 juin…
Enfin, pour vraiment s’assurer que tous les anciens de la ville ont bien reçu le message, ce sont les associations d’anciens combattants et les nostalgiques du gaullisme qu’il a fallu flatter, par message sur les réseaux sociaux.
Pas certaine que De Gaulle aurait apprécié la comparaison faite par M. Bouchet entre le 11 mai 2020 et le 8 mai 1945, mais bon, le marketing a ses raisons que la Raison ignore.
Très bon papier…. pouvez-vous le prolonger en mettant à jour la campagne ridicule des pistes transitoires de vélos, avec une affiche tous les 10m et des pistes extrêmement dangereuses, qui disparaîtront dès la fin des élections?
CDLT
J’aimeJ’aime
Ca sent le sapin pour la carrière de maire de ce gugusse, et il y a une petite bise marseillaise sur cette campagne.
J’aimeJ’aime