Les chroniques judiciaires de Joséphine #6 : Bobigny

26 août 2021 – 16h – Tribunal Judiciaire de Bobigny – 17ème Chambre Correctionnelle – Comparutions Immédiates

Le tribunal de Bobigny est le deuxième plus important de France après celui de Paris. 1300 personnes y travaillent, 80 juges, 60 parquetiers, 500 greffiers. 180 000 procédures par an sont traitées, soit plus de 600 dossiers par jour, en sous-effectif chronique, même si cela va mieux depuis quelques années, sauf au greffe où les fonctionnaires font régulièrement des semaines de plus de 50 heures. Les locaux sont assez modernes, mais l’entretien y a été négligé et maintenant, la pluie s’infiltre dans le bâtiment, la chaudière tombe en panne l’hiver, l’alarme incendie ne fonctionne plus, les toilettes publiques dégagent une odeur pestilentielle, des bancs sont cassés.

Le tribunal est inséré dans le centre de Bobigny, entouré d’immeubles modernes dont celui de la chambre de commerce et d’industrie, connecté par une passerelle à l’ensemble des bâtiments du conseil départemental de Seine-Saint-Denis et à la dalle où est située la Poste, surplombant la station de bus et de métro, juste en face du gigantesque gouffre que représente le chantier de la modernisation du centre-ville, entre la préfecture et la mairie, flanquées de barres et tours HLM. La ville compte 55 000 habitant et est classée parmi les 10% des communes les plus pauvres de France et ce dans le département le plus pauvre de métropole : 30% des 1 600 000 habitants vivent sous le seuil de pauvreté, la population est très jeune, massivement au chômage et avec une croissance démographique trois fois supérieure à la moyenne nationale. 20% de la population n’a pas la nationalité française, 15% est naturalisée, le nombre des sans papiers est estimé à 150 000 personnes soit presque 10% de la population du 93. C’est, du reste, le département le plus criminogène de France avec 100 crimes et délits pour 1000 habitants tous les ans, à comparer avec la moyenne nationale de 62 pour 1000. 8 villes de la Seine-Saint Denis figurent au classement des dix villes les plus violentes de France.

Tous les jours ouvrés, une chambre correctionnelle spéciale traite des comparutions immédiates : ce sont des procédures rapides qui interviennent dès la fin de la garde à vue lorsque le délit commis est constaté en flagrant délit et que l’enquête est simple et rapide, diligentée par le Procureur et menée par les policiers. L’accusé peut demander un délai pour mieux préparer sa défense, mais avec la fatigue de la garde à vue, le stress et la réputation de dureté des juges en cas de renvoi, sans parler du risque risque de rester quelques semaines en détention provisoire, la plupart du temps, l’inculpé préfère connaître son sort au plus vite. Aujourd’hui, il y a trois juges dont un président expérimenté à la voix haut perchée et deux assesseurs restés mutiques tout l’après midi. Une greffière s’occupe des pièces et des prises de note, le procureur est assisté d’une auditrice de justice en formation à l’école de la magistrature, il semble assez bienveillant et pédagogue. L’huissière de justice entre et sort, passe pas mal de temps au téléphone, à 17h pile elle est partie. Une seule policière garde l’entrée de la salle, assise, elle ne contrôle personne. Elle pianote sur son portable, avec de très longs ongles manucurés et vernis en blanc brillant, dans la salle, les gens sortent leur portable sans souci. Pas de micro, il faut donc tendre l’oreille.

Affaire 1 :

Comparaît un homme noir de 25 ans, footballeur professionnel en Norvège. Depuis le Covid et la suspension du championnat, il habite à Pantin avec sa copine. Il est détenu à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis depuis deux semaines.

Le 10 août dernier, en rentrant de soirée, énervé par des regards échangés entre sa compagne et un autre homme, il fouille son téléphone portable et devient violent. Pendant plus de huit heures, il va l’insulter, la traiter de pute, lui donner des coups de pieds et de poings, écraser sa tête au sol, jeter son portable par la fenêtre, la fouetter avec des chargeurs de téléphone, la menacer avec un couteau et la lacérer avec des ciseaux de couture. Lorsqu’elle se plaint d’acouphènes à cause des coups et qu’elle veut aller aux urgences, il l’enferme dans la chambre et lui dit de dormir. Au petit matin, elle réussit à s’échapper et à récupérer son téléphone dans la cour puis prévient la police. Lorsqu’elle lui dit, il s’enfuit et multiplie ensuite les sms pour la supplier de ne pas porter plainte. Quelques heures plus tard, il se rend au commissariat et avoue tout en garde à vue.

Dans la salle du tribunal, la victime est au premier rang, sans avocat, prostrée et emmitouflée dans un grand pull à capuche. A l’évocation des faits, elle pleure en silence. Le procureur lui fait passer un kleenex par l’intermédiaire de l’huissière. Sont présents également dans le public des membres des familles des deux parties.

Mairie de Bobigny

L’accusé se lève dans le box et les questions commencent. Il parle clairement et calmement, tente de répondre et de se défendre plutôt habilement. La garde à vue a duré très longtemps et il n’a pas mangé, il a tout avoué par épuisement et stress, mais maintenant, il nie les menaces de mort et les coups au visage. S’il avait un couteau, c’est qu’il y a des asiatiques violents dans le quartier et qu’il veut pouvoir se défendre. Le fait de fouiller le portable de sa copine ? C’est une habitude, ils le font tous les deux. Lorsque le président lui demande si elle aussi est parfois violente, il répond qu’elle n’est pas parfaite mais qu’il ne veut pas l’accabler, ni devant la police ni devant le tribunal. Interrogé sur les raisons de ses violences, il déclare que rien ne peut justifier de telles violences, que c’est inacceptable. Pour autant, il ne réussit pas à répondre clairement sur l’avenir de cette relation.

La victime, elle, est claire. Tout est fini, elle ne demande pas de dommages et intérêts, elle veut juste qu’il ne rentre plus jamais en contact avec elle pour ne plus entendre parler de cette histoire.

Le procureur prend la parole pour ses réquisitions. Il relie l’affaire immédiatement au contexte de féminicides, de violences faites aux femmes et de la lutte de la société contre ces phénomènes. Il est sobre et concis, vu le profil de l’accusé et son activité professionnelle, il demande 12 mois de sursis, une obligation de soins et l’interdiction de rentrer en contact avec la victime pendant trois ans.

L’avocate de la défense se lève, la quarantaine, le teint légèrement orangé, masque sous le nez, boucles d’oreilles en fausses perles géantes, baskets avec les talons aplatis, façon charentaise. Elle parle très fort et évoque une relation destructrice pour les deux, un contexte d’agressivité et de jalousie réciproques. Elle répète quatre ou cinq fois que son client est footballeur professionnel, que l’on n’a pas l’habitude de ce profil dans ce tribunal. Elle parle du choc carcéral de son client, de son casier vierge, de sa rigueur, sa discipline, sa maturité et qu’il faut absolument éviter la prison ferme pour lui épargner la perte de son travail en Norvège. Une des juges assesseures fatigue, ses yeux sont clos depuis une bonne minute.

La séance est suspendue pour le délibéré. La victime quitte rapidement la salle pour aller se cacher dans un recoin du tribunal. La mère, la sœur et le frère de l’accusé retrouvent l’avocate devant la machine à café, elle tente de les rassurer et se montre sereine.

La séance reprend, la victime se glisse discrètement au premier rang. L’accusé est reconnu coupable, il est condamné à 15 mois de prison assortis du sursis simple avec interdiction de rentrer en contact avec la victime pendant 3 ans. La sœur de l’accusé demande depuis la salle s’il sort de prison. Le président, énervé, répond que pourtant c’est clair, qu’il suffit de se concentrer. Quelqu’un dit que oui il va sortir. Hurlements de joie. La victime est déjà partie.

Passerelle du tribunal de Bobigny depuis la dalle du Conseil Départemental

Affaire 2 :

Comparaît un homme de 35 ans de nationalité marocaine. Il parle mal le français, il est boucher pour une boîte d’intérim. Il a 22 mentions à son casier judiciaire : rébellion, outrages, menaces de mort, violences, coups et blessures, usage de stupéfiants, conduite sous l’empire d’un état alcoolique. Pour sa dernière condamnation, le juge d’application des peines a proposé la mise sous bracelet électronique, mais ça s’est mal passé. L’homme est alors basculé en régime de semi-liberté, c’est à dire qu’en semaine, il dort de 22h à 8h en prison, le week-end, c’est de 18h à 9h. Cependant, dès le premier soir, il ne se présente pas à la maison d’arrêt car il participait à une fête et que ça faisait longtemps qu’il n’avait pas pu s’amuser. Le week-end suivant, il ne se présente pas du tout. Il est donc accusé d’évasion en semi-liberté.

L’accusé est alors interrogé par le président. En fait, il se serait rendu à Brive-la-Gaillarde pour voir sa fille de 9 ans qui réside avec sa mère, dont il est séparé depuis des années, en mauvais termes, et sans décision de justice au sujet des droits de visite. Il assure que sa fille est la chose la plus importante dans sa vie et qu’il a besoin de la voir. Pourtant, durant ce week-end, les policiers ont établi que son téléphone portable n’avait borné qu’à Bobigny. Lui dit qu’il a laissé son téléphone à sa copine du moment et qu’il est parti sans. Lorsque le juge demande s’il a des preuves de son trajet à Brive, il réponds que non car il est parti en BlaBlaCar mais réservé sur internet par un ami. Finalement, il est retourné au centre de semi-liberté et il a été mis en garde à vue au cours de laquelle, d’ailleurs, il demande d’emblée s’il pourra avoir un week-end de permission bientôt. Le président, un peu lassé par l’attitude de l’accusé évoque la prison ferme, seule peine qui semblerait désormais adaptée, vu comment se passent les peines alternatives. L’homme dans le box dit assumer et s’engager désormais à faire tout bien pour éviter la prison. Mais les perspectives ne semblent pas très claires pour lui : d’un côté le Juge d’Application des Peines (JAP) pourra révoquer sa semi-liberté et muer sa peine précédente en prison ferme, d’un autre côté le tribunal se prononce aujourd’hui sur la peine au sujet de son évasion.

Le procureur prend la parole. Il ne croit pas instant l’histoire du week-end à Brive, notamment parce qu’il n’est pas logique qu’il soit parti sans portable sur place. Toute la gamme des peines ayant été tentées, il faudra passer sans doute à la prison ferme. Il demande 6 mois de prison et laisse cependant le soin au JAP de décider s’il veut muer cette peine vers une alternative.

L’avocate de la défense enchaîne avec sa plaidoirie. Elle parle des difficultés de son client à gérer ses rapports conflictuels avec l’autorité judiciaire, elle l’encourage à faire confiance et à engager des démarches pour faire reconnaître ses droits sur sa fille. Elle évoque la problématique plus générale des droits des pères et des drames sociaux que cela crée. Elle alerte les juges du risque d’empirer la situation en l’envoyant en prison, il perdrait alors son travail et son logement, le plongeant dans une spirale toxique.

Après la suspension, la décision tombe. 6 mois ferme avec mandat de dépôt, l’homme part directement en détention le soir-même. Il ne comprend pas.

Intérieur du tribunal de Bobigny

Affaire 3 :

Comparaît un jeune homme d’origine maghrébine. Il a 19 inscriptions à son casier : fausse monnaie, stups, vol, escroquerie, recel, délits routiers. Le président précise que l’accusé ne respecte pas les mises à l’épreuve de ses précédentes condamnations. Il y a quelques jours, après une soirée arrosée à la vodka pour fêter les vacances, l’accusé s’embrouille avec un passant au sujet d’une simple cigarette. Ivre, il se saisit d’une planche épaisse, menace de mort la victime et lui assène un coup sur la tête, nécessitant ensuite la prise en charge par les pompiers et la pose de trois agrafes sur la plaie. Ayant fui au moment des faits, l’homme est rattrapé par un équipage de police deux heures plus tard, en d’état d’ébriété avancée, agité, refusant d’obtempérer, conduisant une voiture alors qu’il n’a pas le permis. Il refusera d’ailleurs de se soumettre aux tests d’alcoolémie.

Interrogé, l’accusé semble un peu hébété et perdu. Il regrette, maintenant il s’est rangé, il va s’installer avec sa copine – qui se signale dans la salle -, il a entamé les démarches pour adopter la fille que sa compagne a eue d’une relation précédente. Il dit que c’était les vacances et qu’il avait besoin de décompresser, qu’il a eu une année difficile avec de multiples opérations au coude à cause d’une maladie chronique, qu’il va commencer une formation dans le domaine de la fibre optique en septembre, qu’il ne se souvient de rien de cette soirée. Le juge dit que c’est bien malheureux.

De son côté, le procureur note bien le profil en voie de réinsertion, mais le casier fourni de l’accusé l’embête. Il demande 8 mois d’emprisonnement en régime de semi-liberté afin de ne pas pénaliser sa vie de famille et ses perspectives de travail.

L’avocate, peu assurée, va dans le sens du procureur et demande de ne surtout pas prononcer une peine de prison ferme.

La décision tombe, il prend 8 mois ferme, avec bracelet électronique au domicile de sa compagne, il sort le soir même, sa copine pose sa main sur son cœur en signe de soulagement. La prochaine fois vous fêterez vos vacances en amoureux, à la maison, monsieur, conclue le juge.

Par Joséphine Kalache

Chantier à Bobigny cœur de ville

***

A quoi ça ressemble, la justice, en France ? Qu’est ce qui fait justice, chez nous ?

Le décorum ? Les robes des juges, des avocat.e.s ? Le cadre légal ? La juste peine ? Le droit au pardon, à la deuxième chance ? L’apaisement des victimes ? La réparation ? Mais laquelle ? Celle en espèces ou celle de l’existence ? Le dépassement du trauma ? La non-récidive ? La reconnaissance du tort causé ? Le pardon ? Celui demandé par les coupables ou celui accordé par les victimes ? Et celui que la société parfois refuse de concéder, même après la peine ?

A quoi on la reconnait, la justice ?

Au tribunal de Bobigny, c’est difficile à dire. Un bâtiment, sur une dalle, au bout d’une passerelle. De l’extérieur un hybride de bureau open-space, de serre industrielle et de résidence HLM design des années 80. De nombreuses fenêtres aux croisillons bleu marine. PALAIS DE JUSTICE, inscrit en grosses lettres, puisque visiblement ça ne va pas de soi.

A l’intérieur, des petits palmiers dans des jardinières. Un grand hall aux colonnades de béton stylisées, le stylisé du béton. Des verrières, un escalier en brique. Des portes de salle d’audience ornementée façon temple maya en bois. Une ambiance Indiana Jones self discount.

Des toilettes à la turque crasseuses, la sale odeur de pisse rance, les pissotières en gros morceau de métal sans intimité.

Les comparutions immédiates, la 17è chambre, salle numéro 4 – une atmosphère d’école primaire. Du lino bleu foncé, des banquettes en agglo épais, vernies, basses, au métal bleu marine, une sorte de garderie taille adulte. Des tables comme de longues tables d’écoliers, la case pour ranger l’ardoise en moins. Quand même : du béton, un mur de briques, des tuyaux de ventilation PVC apparents. Une verrière, un bout de ciel, un morceau d’arbre. La lumière de fin août.

Les éléments de la justice sont présents. Le juge, ses deux assesseures. Les avocats, les robes. Le proc, sa stagiaire. La greffière, l’huissière. La policière de garde. Les « l’audience est reprise vous pouvez vous asseoir. », les « La décision sera prise après le délibéré. ».

Et pourtant, cette sensation étrange : ça ne fait pas justice. Ça ne fait pas comparutions immédiates non plus d’ailleurs, ou pas comme à Paris, ou pas celles que j’ai vues auparavant.

Le proc par exemple. Il est grand, il a les cheveux courts, le visage aigu. La gueule de l’emploi si on peut dire. Pourtant il dit : « Je pense que ces deux semaines de détention provisoire lui auront permis de réfléchir et c’est maintenant à lui de prendre en main son projet de vie. Je ne pense pas que la prison permettra de l’aider. Je demande donc 12 mois, mais en sursis mise à l’épreuve. » ou « On observe de véritables efforts de réinsertion. Mais ce qui est tragique, c’est que monsieur a un peu de mal à se rendre aux décisions de la justice. C’est l’histoire du hamster qui tourne dans sa roue. Il tourne, il tourne, il s’épuise. Il pense bien faire, il veut s’en sortir, mais il s’enfonce. Ce serait très simple pour moi de demander une peine de prison ferme, vu le casier, la culpabilité d’évasion. Mais je ne demanderai que 6 mois d’emprisonnement, et ce sera à monsieur, devant le juge d’application des peines, d’apporter les éléments qui lui permettront d’éviter la détention. » ou encore « Ce n’est pas de l’envoyer en détention qui va aider monsieur. Le centre de semi-liberté, par exemple, ou l’assignation à résidence chez sa compagne. Qu’il ne perde pas son emploi, qu’on ne renie pas ses efforts. »

Ruelle d’une cité de Bobigny centre

Cette avocate, aussi. Le teint sur-bronzé, les sandalettes Kenzo jaune flash. La gouaille de poissonnière, accoudée à son pupitre. « Jamais au grand Dieu jamais mon client ne reniera les faits de violence qu’il a commis. Il les reconnait, il ne s’en excuse pas. Mais vous conviendrez que nous n’avons pas l’habitude de voir des joueurs de football professionnel ici à la 17è chambre. La rigueur du footballeur professionnel, qui va de pair avec sa rigueur morale. L’endurance du footballeur professionnel, qui lui permettra de retrouver le droit chemin sans passer par la case prison. » Le bruit du chariot de la femme de ménage qui couvre à plusieurs reprises son propos, dans le couloir sur lequel donne la porte grande ouverte que garde la policière plongée dans son smartphone.

Les prévenus, qui disent, tous les trois : « Je ne nie pas ma responsabilité. Ce que j’ai fait, je l’ai fait. Je le sais que je l’ai fait. » Qui, au « Monsieur, vous voulez ajouter quelque chose pour conclure ? » répondent « Pardon, demander pardon. » Celui qui dit : « C’était une relation toxique mais je ne veux pas me cacher derrière cela. Ici, c’est pour parler de ce que j’ai fait, pas de ce qui a eu lieu entre nous par le passé. » Celui qui dit « Tout ce que je fais, je le fais pour ma fille. C’est tout ce que j’ai, ma fille. » Celui qui dit : « Je me suis chamaillé avec un copain, alors j’ai pris le volant, et voilà quoi, j’ai déconné. »

Et le juge. Ses cheveux longs bouclés, sa grosse montre en or. Sa voix douce et toute son ironie. « Ah ben ça oui, on peut dire que vous l’avez fait hein, et pas qu’un peu ! On a les photos figurez vous ! » ou « Bon monsieur, vous pouvez boire les quantités d’alcool que vous voulez, ça le tribunal s’en fiche complètement, moi je m’en fiche complètement ! Buvez tout ce que vous voulez ! Nous, tout ce qu’on vous demande, c’est de ne pas conduire, et de ne pas fracasser des crânes avec une planche en bois. » et « La prochaine fois que vous voulez fêter vos vacances, faites-vous plutôt un dîner en amoureux avec madame ! Avec de la vodka même si vous y tenez ! » Ou : « Monsieur, entre votre fille et le juge d’application des peines, y’a pas photo, le JAP, il est au dessus ! » Ou, quand un téléphone sonne dans le public : « Bon, elle a fini la fée Clochette ?! » Et la salle rigole.

C’est de la justice, c’est au tribunal. Il n’y a pas toujours de mention précise des délits commis, il n’y a jamais de référence aux articles du code pénal. Il y a une sensation de discussions au comptoir : et avec son demi tu lui mets une semi-liberté parce que quand même il bosse. Et quand les peines tombent, personne n’est trop sûr. « 15 mois avec sursis, interdiction de contact, obligation de soin et obligation de travailler. –Ca veut dire que je sors ?? – Ben c’est clair ce que j’ai dit quand même non ?! » Et la victime quitte vite la salle, en larmes, pendant que la famille de l’accusé souffle de soulagement. « 6 mois de détention avec mandat de dépôt. –Mais là je vais en prison là ?! –Oui monsieur. –Pour pas être rentré au centre de semi-liberté pendant deux soirs ?! –Oui monsieur, pour les faits qui vous sont reprochés. » Et le type a les sourcils complètement stupéfaits pendant que les policiers lui passent les menottes. « 8 mois avec bracelet électronique, chez madame votre compagne. Il y a déjà votre nom sur la boîte aux lettres non ? –Euh… oui ? –Bon tant mieux parce que c’est là bas qu’arriveront les papiers pour le JAP. »

Voilà. Un visage de la justice parmi d’autres. On ne l’a pas reconnue mais c’est elle. Dans la salle adjacente, celle de la cour d’assise, on juge d’autres cas. Des « Viols et violence sur mineur de 15 ans. » Des « Viols et meurtres sur personne dépendante. » Des « Récidives de meurtre ». A quoi elle ressemble, cette justice-là ?

Par Robin Trémol

4 commentaires sur “Les chroniques judiciaires de Joséphine #6 : Bobigny

  1. Dans l’épisode 1 tu nous dit que l’accusée est prostrée avec un « E », donc l’accusée est un femme, ensuite tu nous dit que c’est un homme, il faudrait savoir, j’adore tes chroniques, mais là il y a faute

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