Élu maire d’Amboise et de sa communauté de communes à l’été 2020, Thierry Boutard affronte depuis peu une vague de contestations sans précédent : opposition, agents municipaux, collaborateurs et maintenant élus de sa majorité alertent sur les dérives dans la pratique du pouvoir du premier édile.
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« Thierry Boutard, c’est l’apparatchik des Républicains de Touraine dans toute sa splendeur. Candidat malheureux aux municipales à Amboise en 2014, il est devenu attaché parlementaire de la députée Claude Greff sur la circonscription d’Amboise-Château-Renault-Bléré-Montlouis de 2016 à 2017. Ce n’était pas spécialement un cadeau, ce poste, parce que Greff a la réputation de ne pas être commode et d’avoir usé pas mal d’assistants parlementaires. En tout cas, lorsque Greff a perdu en 2017 contre Daniel Labaronne, divers-gauche passé avec armes et bagages chez Emmanuel Macron, Boutard s’est retrouvé le bec dans l’eau. C’est à ce moment-là que Jean-Gérard Paumier, à l’époque fraîchement élu à la tête du Conseil Départemental d’Indre-et-Loire à la faveur du décès du président Jean-Yves Couteau fin 2016, s’est dit que s’il voulait garder sa place au chaud, il fallait préparer dans les meilleures conditions les élections départementales de 2021, tout en se mêlant des municipales en 2020 où il y avait moyen pour la droite de mettre la main sur plusieurs bastions de la gauche. Du coup, Paumier a fait jouer ses nombreux réseaux pour soutenir Brigitte Dupuis à Chateau-Renault, ville tenue par le PCF depuis des lustres, idem pour Emmanuel François à Saint Pierre des Corps, plus vieille collectivité communiste de France. Et il en a été de même pour Thierry Boutard à Amboise, après vingt ans de gestion PS de la ville par Christian Guyon qui ne se présentait pas de nouveau. Pour s’assurer que Boutard puisse préparer sereinement les municipales, Paumier lui a proposé un poste de coordinateur du groupe de la majorité à l’assemblée départementale entre 2017 et 2020. Paumier a même probablement réussi à se mettre d’accord avec Labaronne pour que LREM ne présente pas de liste aux municipales à Amboise et soutienne Boutard… en échange de quelque chose ? Ca je ne sais pas » commente un élu expérimenté, très bon connaisseur de la Touraine…
En tout cas, comme à Château-Renault et à Saint Pierre, le plan a fonctionné à Amboise. Grâce à de bonnes campagnes, un soutien infaillible du président Paumier, une couverture de la NR aux petits oignons et avec le concours non-négligeable d’une gauche désunie qui a préféré se saborder par des querelles ridicules, la droite a fait tomber dans son escarcelle trois villes importantes du département à l’été 2020. S’en est suivi une câlinothérapie de tous les instants par un Jean-Gérard Paumier qui n’a pas lésiné en distributions d’aides et subventions afin de transformer l’essai des municipales lors des départementales de 2021 qui lui ont, du reste, assuré une confortable réélection.

Seulement voilà, dans ces trois villes, malgré la victoire, les équipes constituées à la va-vite lors de la campagne de 2020, souvent avec des novices en politique choisis pour leur future docilité, ont montré leurs limites. Les maires, visiblement gonflés à bloc par leur triomphe, ont mis en place un exercice autoritaire et solitaire du pouvoir, créant une ambiance délétère dans leurs majorités. Pendant quelques mois, dans l’expectative des départementales, Jean-Gérard Paumier a dû s’employer à rafistoler le navire qui commençait à prendre l’eau, par exemple en demandant à Christian Bonnard à Saint Pierre, après le départ fracassant du premier adjoint, de surveiller de près le maire Emmanuel François jugé peu fiable, incapable de travailler collectivement et habitué des dérapages verbaux. Mais maintenant que les départementales sont passées et que tout le monde a les yeux rivés sur les présidentielles, les langues se délient dans les équipes municipales soumises à une pression toujours plus importante.
A Amboise, ce schéma s’est vérifié de manière parfaite. Dès le mois de juin dernier, à deux semaines des élections départementales, le directeur de cabinet Stanislas Marchal claquait la porte avec fracas, ce qui est rarissime dans ce milieu qui privilégie le silences de gentleman. Marchal parle alors dans la presse de « harcèlement« , de « dénigrement« , de » diffamation« , de « manipulation« , « d’emprise« , racontant qu’il servait même parfois de chauffeur personnel le week-end pour les sorties privées de Thierry Boutard…
Mais la grogne s’est encore accentuée il y a deux semaines et c’est à une véritable crise dans ses propres rangs qu’est confronté Thierry Boutard, avec le départ de quatre membres de la majorité, proches de LREM. Ces derniers vont former leur propre groupe, évoquant dans la presse qu’ils ne veulent « plus servir de caution morale aux décisions unilatérales d’un seul homme ». En réalité, les motifs de leur départ sont bien plus profonds que cela, confie en off un élu de la majorité à Amboise : « on a l’impression de nous être fait avoir. Pendant la campagne, Boutard a joué la carte du collectif, il a laissé aux membres de sa liste des initiatives qui ont permis de rassembler, d’avoir une vraie dynamique constructive et d’associer les colistiers aux orientations de programme et de stratégie. C’est grâce à ça qu’on a gagné ! Mais très vite, nombre d’engagements n’ont pas été tenus : il nous avait promis de ne pas prendre de directeur de cabinet, d’organiser un séminaire d’élus, de créer une associations pour regrouper les proches de sa liste qui n’avaient pas été élus afin de garder une dynamique de participation citoyenne …eh bien tout cela est passé à la trappe, et certains se sont sentis trahis, sans même parler de la question du remboursement des avances faites pour les frais de la campagne qui n’est pas réglée (…) et puis, il y a eu des signaux catastrophiques en termes d’image : faire acheter une voiture avec chauffeur, facturer 2700 euros pour un déplacement officiel à Vinci en Italie, refaire faire son bureau à la Mairie tout en ayant un gigantesque bureau à la communauté de communes, avec fauteuil de luxe et machine à café dernier cri… comment on assume tout ça auprès des électeurs ? (…) Au-delà, le fond du problème, c’est le management : Boutard veut décider de tout, directement avec les services et en tirer le bénéfice en termes de communication. Nous les élus, on est court-circuités, nous n’avons pas accès aux infos, on apprend des décisions par l’intermédiaire des agents, on ne peut participer au suivi des dossiers et à la prise de décision, on se sent inutiles. Le pire, c’est que comme Boutard entend décider de tout et ne fait confiance à personne, voire il se méfie de tout le monde et n’accepte pas la contradiction, bah rien n’avance »

Le cumul des mandats ne doit certainement rien arranger non plus : maire, président de la communauté de communes alors qu’il s’était engager à ne pas briguer le poste, président de syndicats mixtes et du conseil de surveillance de l’hôpital en tant que Maire, investi dans l’association des maires d’Indre-et-Loire, mais aussi à la fondation Saint Louis qui gère du patrimoine historique du Château d’Amboise, à l’agence départementale d’aide aux communes, au comité territorial des élus GHT d’Indre-et-Loire… M. Boutard est pour le moins hyperactif. Et l’élu interrogé poursuit : « on comprend alors que la plupart des délibérations présentées en Conseil Municipal soient floues. Que ce soit le rachat de l’ancien site de Prestal ou de Volkswagen ou des terrains proches de la Gendarmerie, aucun projet précis n’est présenté, on n’a pas idée des budgets, des financements, des coûts de dépollution et aucune concertation avec les citoyens et riverains n’a été pensée ».
De leur côté, les élus d’opposition que j’ai rencontrés sont unanimes : « c’est incontestable que Boutard manque de transparence. En tant que membres de l’opposition, nous n’avons accès à presque aucun document ni en commission ni en conseil municipal. C’est tout juste si on découvre les délibérations sur nos tables les jours de conseil. Par exemple, quand on participe aux commissions d’attributions de subventions aux associations et aux clubs sportifs, on a l’impression que tout a été décidé avant et que l’on manque d’éléments pour comprendre les choix. En conseil municipal, 85% du temps de parole est monopolisé par Boutard qui laisse à peine parler ses adjoints. Il n’y a presque pas de débats, c’est davantage une chambre d’enregistrement qu’autre chose. Et si jamais il y a des critiques, Boutard monte dans les tours, il se montre agacé, il devient autoritaire et cassant, et expédie les prises de parole, se plaignant que le conseil est trop long ». Face à cette situation, certains élus de l’opposition n’hésitent plus à saisir le Tribunal Administratif en référé ou dans des procédures classiques, considérant qu’il y a des méthodes et des décisions manifestement illégales, même si pour l’heure aucun procédure n’a débouché sur une condamnation ou sur l’annulation d’une décision.
Un élu à la communauté de communes enfonce le clou : « Boutard, il a zéro politique, il n’a pas de programme, il n’y a aucune cohérence, aucun intérêt pour la question environnementale. C’est arrivé à un point où même les services de la Préfecture le contredisent ouvertement et retoquent des décisions. Le pompon ça a été lorsqu’à la présentation du Plan de Prévention des Risques d’Inondation par les services de la Préfecture, Boutard n’a pas tenu compte des conclusions du rapport et voulait pousser à la construction de bungalows pour le camping de l’île d’Or, situé….en zone inondable, en arguant qu’il n’y a pas de risque et que c’est vite démonté un bungalow, au pire… ».
« Boutard s’est présenté en 2014 sans être vraiment préparé et il a passé son mandat dans l’opposition à être dans la critique et l’invective. Du coup, en 2020, quand il a voulu se présenter de nouveau, il a eu du mal à constituer sa liste, vu sa réputation. Après sa victoire surprise, il était clairement animé par un esprit revanchard, voulant détricoter ce qui avait été fait par la gauche. Et ce sont les agents qui font les frais de tout ça maintenant : l’ambiance est devenue lourde à la Mairie, les gens sont sous pression, ne se font plus confiance de peur que des propos soient rapportés à Boutard, d’autres ont été poussés au départ ou sont partis vers des cieux plus cléments… le malaise est palpable. Parce que si Boutard répète quelque chose, c’est bien qu’il y a trop de fonctionnaires à la Mairie d’Amboise et qu’il faut faire des économies… tout en faisant retaper son bureau », surenchérit un autre opposant de longue date à monsieur le maire.

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Et notre expert de la vie politique tourangelle d’analyser pour conclure : « tous ces dysfonctionnements à Château-Renault, Saint Pierre et Amboise, ça va finir par devenir un vrai souci pour Paumier dont l’objectif principal est de devenir sénateur d’Indre-et-Loire. Sauf que les places sont déjà prises et que les stratégies outrancières de Paumier ne plaisent pas à tous les élus, loin de là, alors que ce sont eux qui votent pour les sénatoriales. Par exemple, Paumier a claqué la porte de l’Agence Locale de l’Énergie et du Climat (ALEC) car ce n’est pas son candidat qui a été retenu pour présider la structure en Indre-et-Loire. Oh ce n’est pas juste un caprice de sa part, le candidat de Paumier était Vincent Louault…le fils de Pierre Louault, un des sénateurs d’Indre-et-Loire qui va peut-être partir à la retraite dans quelques mois et que Paumier remplacerait bien, même si c’est vraiment pas fait. Résultat concret ? Les communes hors métropole de Tours n’ont plus accès à des plans de financement d’état pour les rénovations énergétiques des bâtiments, ce dont pas mal de maires du coin se plaignent. Il n’en n’est rien pour Boutard, bon petit soldat de Paumier, qui critique l’ALEC et compte s’en passer ».
Encore un petit caillou à gérer dans la chaussure déjà bien inconfortable de Jean-Gérard Paumier. Et à Amboise, un Maire en roue libre qui, espérons-le, saura tirer des enseignement de cette crise pour se consacrer enfin à ce pour quoi il a été élu : défendre le bien public municipal, avec tous les élus et tous les agents.
Fine et judicieuse analyse.
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Rapport complet sur une situation gravement préjudiciable aux amboisiens si elle dure….mais qui ne peut pas révéler des agissements encore plus graves tant de son maire que de son prédécesseur….à suivre….si Dieu le veut…
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