On se souvient toutes et tous au moment des confinements des reportages où étaient évoqués les effets catastrophiques de l’enfermement sur la santé mentale – celle des plus jeunes notamment – et sur le suivi des malades psychiatriques tombés dans l’isolement. Pourtant, il ne s’agissait pas d’un épiphénomène. La psychiatrie, c’est depuis longtemps le premier poste de dépense de l’Assurance Maladie, 20% des Français étant concernés chaque année par des troubles dans ce domaine. Malgré cette visibilité passagère des problématiques psychiatriques, les professionnels du secteur se mobilisent depuis des mois dans l’indifférence générale contre les réformes impulsées par Emmanuel Macron. Sous le nom pudique de « Nouvel Hôpital Psychiatrique », il s’agit de rationaliser les soins et de favoriser l’ambulatoire, ce qui se manifeste à Tours par un projet de réduction drastique du nombre de lits disponibles en psychiatrie, passant de 204 à 120. D’une réflexion avec pas mal d’acteurs du système autour de la contradiction entre besoins et moyens est née l’idée d’un dossier spécial psychiatrie.
En voici donc la deuxième partie : quelques chiffres et statistiques pour comprendre les enjeux concrets du secteur.
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Europe :
– 10% des enfants et 25% des adultes ont un trouble mental d’intensité variable.
– Les personnes souffrant de maladies mentales ont une mortalité multipliée par deux par rapport à la moyenne de la population.
– En 1995, l’espérance de vie des personnes souffrant de maladies mentales était inférieure d’environ 11 ans par rapport à la moyenne de la population. Aujourd’hui, elle est inférieure de 14 ans.
– Seulement 2% à 18% des personnes diagnostiquées avec des problèmes psy par un médecin ont recours aux services de santé mentale, cela varie selon le niveau économique du pays. Pour les pathologies psy les plus graves, le pourcentage varie de 11% à 60%.
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France, prise en charge psychiatrique en 2021 :
– L’offre de soins en établissement de santé pour la psychiatrie s’organise en trois grandes catégories de prise en charge : à temps complet (55 000 lits), à temps partiel (hospitalisation de jour ou centres thérapeutiques – 29 000 places) et en ambulatoire (3 100 centres médico-psychologiques). L’ambulatoire est la prise en charge la plus courante. L’offre ambulatoire des établissements publics ou à but non lucratif repose essentiellement sur les Centres médico-psychologiques (CMP) qui regroupent différents personnels du soin et du travail social.
– 450 000 patients hospitalisés en psychiatrie, c’est 0,6% de la population française
– 500 structures psychiatriques en France, dont 40% sont publiques, 35% privées à but lucratif et 25% associatives à but non-lucratif
– 325 000 patients ont été pris en charge à temps complet dans un structure, pour une durée moyenne de deux mois
– 125 000 patients ont été accueillis dans une structure d’accueil jour
– 90 000 patients ont été hospitalisés sans leur consentement
– Parmi tous les hospitalisés, on comptait 150 000 personnes atteintes de dépression, 100 000 atteintes de troubles psychotiques graves, 75 000 personnes souffrant des troubles anxieux, 50 000 personnes usant de stupéfiants et 25 000 autistes.
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France, prévalence des problématiques psychiatriques en 2021 :
– Une personne sur cinq est touchée chaque année par un trouble psychique, soit 13 millions de Français. Selon l’Assurance maladie, sept millions de personnes en France présentent au moins un trouble psychique identifié.
– Le taux de suicide en France est de 13,2 pour 100 000 habitants, soit l’un des niveaux les plus élevés des pays européens de développement comparable (10,5 pour 100 00 habitants en moyenne). Le suicide est la deuxième cause de mortalité pour les 10-25 ans, après les accidents de la route
– 23% des Français montrent des signes d’un état anxieux (+10 points par rapport à l’avant-Covid)
– 21% montrent des signes d’un état dépressif (+10 points par rapport à l’avant-Covid)
– 10% ont eu des pensées suicidaires au cours de l’année (+5 points par rapport à l’avant-Covid)
– 64% des Français déclarent avoir déjà ressenti un trouble ou une souffrance psychique, ce chiffre atteint 75% chez les moins de 35 ans.
– 15% des jeunes en France connaissent un épisode dépressif caractérisé entre 16 et 25 ans
– Les troubles du sommeil sont également en progression : près de 66 % de la population est concernée contre 49,4 % par rapport à l’avant-Covid. Certaines catégories de la population sont plus particulièrement touchées, les femmes, les jeunes -inquiets pour leur scolarité ou leur insertion professionnelle- et les seniors, sensiblement plus concernés par la solitude.
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France, moyens structurels :
– Le nombre de lits a été divisé par deux entre 1980 (120 000 lits) et 2019 (55 300 lits, dont 2 340 seulement en pédopsychiatrie).
– La France enregistre l’une des densités de psychiatres parmi les plus élevées d’Europe avec 23 psychiatres pour 100 000 habitants, dont 10 en exercice libéral ou mixte ; ce qui la situe à la 4ème place des 27 États de l’Union européenne. Pour autant, cela reste très en deçà des besoins.
– La densité de psychiatres pour 100 000 habitants est très inégale sur le territoire, les écarts variant de 1 à 4 entre les départements les mieux dotés (Gironde, Bouches-du-Rhône et Rhône) et les moins bien dotés (Aube et Cantal).
– Il faut en moyenne un an d’attente dans beaucoup de Centres Médico-Psychologiques pour avoir un premier rendez-vous. Une tendance accrue dans les régions sous-dotées, notamment dans les zones rurales ou dans les départements densément peuplés comme la Seine-Saint-Denis.
– Il manque des médecins et des psychologues scolaires, en première ligne pour la détection des troubles. On en compte 1 pour 1600 élèves dans le premier degré, contre 1 pour 800 élèves en moyenne en Europe.
– 59 % des médecins généralistes affirment prendre en charge eux-mêmes les patients en souffrance psychique et en assurer le suivi.
– Au dernier concours national de l’internat de médecine, 71 postes en psychiatrie sont restés vacants dans toute la France sans trouver preneur. Pire, les psychiatres ont une moyenne d’âge assez élevée et beaucoup sont en train de partir à la retraite : en 40 ans, la profession a perdu 40 % de ses effectifs.
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France, aspects budgétaires :
– Avec plus 23 milliards d’euros par an, les dépenses remboursées au titre de la détresse psychique et des maladies psychiatriques sont le premier poste de dépenses de l’assurance maladie, devant les cancers et les maladies cardiovasculaires.
– Les dépenses remboursées au titre des maladies psychiatriques et de la consommation de psychotropes incluent les soins ambulatoires (29 %), les hospitalisations (48 %) et les arrêts de travail (23 %)